Dmitry Bondarev est chercheur et chef de projets pour l’Afrique de l’Ouest au Centre d’étude des cultures manuscrites de l’Université de Hambourg. Auparavant, il a travaillé à la SOAS, Université de Londres, où il a étudié les annotations des premiers manuscrits coraniques nigérians. Ses recherches portent sur la linguistique africaine (langues sahariennes, tchadiennes et mandées), les études sur l’alphabétisation, notamment dans le contexte des traditions exégétiques islamiques dans les langues africaines, l’histoire de l’écriture en caractères arabes (ajami) ainsi que la paléographie et la codicologie des manuscrits d’Afrique de l’Ouest. Il a publié de nombreux ouvrages sur ces sujets qu’il développe également dans son enseignement à l’Université de Hambourg. L’équipe internationale d’universitaires de Bondarev mène des études approfondies sur les manuscrits ajamis de l’Afrique sahélienne. Ces recherches peuvent être suivies sur leur blog « A-label : African Languages Between the Lines », https://ajami.hypotheses.org et Twitter @AjamiLab.
Résumé: Un pouvoir de connexion de la grammaire : le kanembu tafsīr ancien et la poésie kanuri/kanembu
Le kanembu ancien, l’une des premières langues écrites de l’Afrique sahélienne, a été utilisé dans les manuscrits du Coran produits entre le XVIIe et le début du XIXe siècle dans le sultanat de Borno, dans ce qui est aujourd’hui le nord-est du Nigeria et le sud-est du Niger. Les manuscrits hébergent des dizaines de sources arabes tafsīr qui témoignent d’une riche tradition exégétique remontant à plusieurs siècles. Le kanembu ancien survit dans sa descendance, le tarjumo, une langue formellement acquise et utilisée parmi les locuteurs du kanuri et du kanembu dans l’étude de la grammaire arabe et dans les récitations cérémonielles bilingues du Coran et d’autres textes religieux arabes. Étant un code linguistique hautement spécialisé, le kanembu ancien/tarjumo est inintelligible pour les locuteurs laïcs et il dépend toujours du texte arabe source. Cependant, le kanembu ancien a exercé une influence au-delà du contexte exégétique et il est prouvé qu’un registre poétique utilisé pour la composition indépendante en vernaculaire s’est inspiré de la grammaire du kanembu ancien. Cet exposé portera sur un manuscrit du XIXe siècle contenant un poème écrit en kanembu moderne. Le poème présente certaines caractéristiques grammaticales qui sont communes aux manuscrits du Coran en kanembu ancien. La raison pour laquelle ces caractéristiques n’ont pas été conservées dans la poésie religieuse en kanuri et en kanembu modernes reste une question ouverte en réponse à laquelle quelques idées seront proposées.